Tribune des élu.es communistes parisiens parue dans Médiapart à retrouver ici => Lien
Emmanuel Macron ne cesse de développer un discours de plus en plus sécuritaire qu’il pense électoralement fructueux.
Sa gouvernance solitaire et opaque, sa volonté d’affaiblir tous les contre-pouvoirs, le Parlement, la Presse, les organisations syndicales, signent une dérive inquiétante de la démocratie.
Classes laborieuses, classes dangereuses ?
L’État d’urgence, devenu pratiquement le droit commun depuis 2017, permet nombre de restrictions aux libertés individuelles, justifiées par un discours anxiogène propre à impressionner les foules. Pêle-mêle, l’État d’urgence impose les périmètres de protection et nombre de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.
La loi « sécurité globale » qui organise cette surenchère sécuritaire, instaure une surveillance généralisée de l’espace public en autorisant l’État à utiliser des drones dotés de caméras, à « fliquer » les manifestant.e.s en équipant les policiers de caméras piétons, et établit l’impunité de la police en interdisant la diffusion d’images de policiers.
Si nous devons apprendre à vivre avec le risque, nous ne pouvons restreindre nos libertés les plus fondamentales.
Le continuum de sécurité : sécurité totale ou totalitarisme sécuritaire ?
Le bilan sécuritaire et répressif d’Emmanuel Macron est impressionnant : répression violente du mouvement des Gilets Jaunes et des manifestations que suscite immanquablement sa politique antisociale, stigmatisation du culte musulman… On assiste à l’alliance du libéralisme et de l’autoritarisme.
Le président Macron applique une stratégie en trois axes : imposer un maintien de l’ordre intraitable, étouffer dans l’œuf les critiques de la presse et reprendre à son compte certains langage et projets de l’extrême droite.
Adieu Grimaud, bonjour Papon, semble être le mot d’ordre du Préfet Lallement.
Après les exactions commises par les forces de l’ordre commandées par le sinistre Maurice Papon contre les manifestants du FLN en octobre 1961 à Charonne, la violence de la police à l’encontre des manifestants semblait devoir céder le pas avec la doctrine du Préfet Grimaud, élaborée pour faire face à la jeunesse de 68 : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux police pour y être interrogés. »
Depuis les émeutes urbaines de 2005, c’est la course à l’armement et aux innovations technologiques. Généralisation du lanceur de balles de défense (LBD), grenades de désencerclement, et grenade offensive qui coutera la vie à Rémi Fraisse en 2014, et toutes ces armes pudiquement appelées « non létales » responsables des mutilations des Gilets jaunes en 2018-2019.
De la mise en garde à vue de jeunes dans le cadre de mobilisations étudiantes au lycée Arago (12e) en juin 2018, jusqu’aux images insupportables de l’évacuation violente des exilés de la place de la République, le 23 novembre, et du visage de Michel Zecler, producteur tabassé par plusieurs policiers le 21 novembre, les dérives ne cessent pas.
Des témoignages disent la réalité de certains commissariats, trop souvent couvert du silence, et révèlent des propos racistes, sexistes ou homophobes, et un quotidien violent comme au commissariat du 19ème. On en vient à craindre que des justiciables hésitent à solliciter la protection de la police, ne sachant s’ils ont plus à redouter de la rue que du commissariat. On en a la nausée.
Nous assistons au dévoiement de « la violence légitime », concept fondateur de l’État de droit formalisé par Max Weber. La violence légitime ne peut pas être la justification de la violence contre le peuple ! La violence légitime, au sens de Weber, ce sont les moyens de contrainte nécessaires pour garantir le droit. Rien de moins mais rien de plus.
Alors, Lallement, démission ?
Limoger un préfet de police pour éteindre un incendie politique et médiatique est monnaie courante.
C’est d’ailleurs parce que son prédécesseur, Michel Delpuech en a fait les frais en pleine crise des « gilets jaunes » que Didier Lallement a accédé à ce poste en mars 2019. Et les motifs pour obtenir sa tête ne manquent pas. L’homme a rompu avec la doctrine visant à tenir éloigné au maximum les forces de l’ordre des manifestants, l’heure est désormais au « contact ».
Symbole de ce changement de doctrine : la création des Brav-M, une unité de police à moto controversée qui peut se faufiler dans les manifestations et qui n’est pas sans rappeler les voltigeurs.
Alors oui, Lallement démission. Mais un haut fonctionnaire remplace un haut fonctionnaire.
Le caractère systémique, le nombre et l’impunité des violences policières nous imposent à interroger la chaine de commandement au plus haut niveau.
Car celui qui donne l’exemple de la loi du plus fort, celui qui réunit un conseil de défense aux lieux et place d’un conseil des ministres, et surtout…. celui à qui profite le crime : c’est Emmanuel Macron. Il ne faut pas se tromper de cibles.
Un changement de visage à la Préfecture de Police est nécessaire mais pas suffisant. Sans changement radical de doctrine, sans dénonciation des violences systémiques par le « premier flic de France » nous ne pourrons reconstruire le lien entre la police et la population.
Les violences ont durablement abimé le lien de confiance entre les forces de l’ordre et la population, pourtant nécessaire à l’exercice des libertés fondamentales dans notre pays.
Au sein de nos hémicycles, et dans les manifestations aux côtés des Parisiens et des Parisiennes, nous n’avons cessé d’exiger l’interdiction des LBD, l’expérimentation des récépissés des contrôles d’identités, et de défendre la liberté de manifester sans entrave. Nous étions encore récemment auprès des jeunes du 12e qui ont eu le courage de faire appel à la justice pour défendre leurs droits.
Nous continuerons de lutter pour un service public de sécurité de qualité, qui permette de recréer un lien de confiance en la population et la Police, en particulier au sein de nos quartiers populaires. Pour y parvenir, nous proposons le remplacement de l’IGPN par une instance pluraliste véritablement indépendante permettant un contrôle démocratique et la création d’une véritable Police nationale de proximité. Un recrutement conséquent est nécessaire pour mettre fin au manque de moyens humains lié à la saignée du quinquennat sarkozyste, avec 12 500 postes en moins, qui n’a jamais été à ce jour totalement compensée.
Pour une police républicaine respectueuse des citoyen.ne.s, une réorganisation est indispensable afin de ne plus détourner les agent.e.s de leurs missions essentielles de gardiens de la tranquillité publique et de la sécurité des citoyen.ne.s.
Il y a urgence !
Nicolas Bonnet-Oulaldj, Président du groupe communiste et citoyen au Conseil de Paris
Béatrice Patrie, Conseillère de Paris
Bénédicte Dageville, Élue du 11e arrondissement
Maxime Cochard, Conseiller de Paris
Shirley Wirden, Élue de Paris-centre
Sofiane Kaddour-Bey, Élu du 11e arrondissement
Jacques Baudrier, Conseiller de Paris
Anissa Ghaidi, Élue du 14e arrondissement
Elie Joussellin, Élu du 10e arrondissement
Annie Gafforelli, Élue du 20e arrondissement
Philippe Nawrocki, Élu du 19e arrondissement
Adrien Tiberti, Élu du 11e arrondissement
Jean-Philippe Gillet, Conseiller de Paris
Hadrien Bortot, Élu du 19e arrondissement
Alexandre Courban, Élu du 13e arrondissement
Gwenaëlle Austin, Élue du 19e arrondissement
Raphaëlle Primet, Conseillère de Paris
Jean-Noël Aqua, Conseiller de Paris
Evelyne Boscheron, Élue du 15e arrondissement
Luc Ferry, Élu de Paris-centre
Sébastien Marque, Élu du 12e arrondissement
Camille Naget, Conseillère de Paris
Danièle Premel, Élue du 18e arrondissement
Hélène Bidard, Conseillère de Paris
Barbara Gomes, Conseillère de Paris
Anne Beaudonne, Élue du 20e arrondissement
Michel Roger, Élu du 20e arrondissement
Anouchka Comushian, Élue du 12e arrondissement